vignette étoile bleue


Posons les mots: distinguons d'abord une maison de débauche d'une maison de tolérance ou maison close. La première n'a aucune existence légale, c'est un lieu de passe ou de rendez-vous où les femmes se rendent pour se livrer à la débauche. Par opposition, la maison de tolérance est ouverte après autorisation écrite du maire qui statue sur rapport du commissaire central et après avis du bureau d'hygiène.

Allons donc aux petites Bottines .....

           expression tourangelle qui signifie "aller au Bordel"


Historique

L'étoile Bleue se situe entre le Champ de Mars et les Ecoles Chrétiennes. La rue du Champ de Mars doit son nom au souhait des habitants car avant elle s'appelait la rue des Prêtres, nom peut adapté "au commerce" qui s'y pratiquait ...
En 1867, il est projeté de rassembler certaines maisons de tolérance dans la partie sud de la rue, un mur isolerait les maisons closes des Ecoles Religieuses. Mais ce projet suscite l'opposition des habitants du quartier.
En Août 1879 le curé de Notre Dame La Riche s'en plaint à l'archevêque, il regrette que "les familles honnêtes fuient"...

L'étoile Bleue poursuit donc son activité au grand dam du clergé....


gargouille de notre dame la riche
.... pourtant il semble que les gargouilles de Notre Dame La Riche, située à proximité, apprécient, elles !!!

Avec l'occupation, les maisons de tolérance sont soumises à des contraintes supplémentaires. Un règlement du 2 Septembre 1940 stipule que 4 maisons sur les 6 existantes à Tours sont requisitionnées pout les soldats et les sous-officiers allemands. Parmi elles figure l'étoile Bleue... Les maisons qui leur sont réservées conservent les femmes les plus jeunes et embauchent des mineures. Durant cette période les tenanciers bénéficient de nombreux avantages et privilèges. A l'étoile Bleue, les militaires, dont une majorité de sous-officiers, offrent de multiples cadeaux aux femmes.
Au cours de l'occupation, l'étoile Bleue s'ouvre de nouveau aux civils lorsque l'effectif des troupes allemandes est plus réduit.

Architecture

L'étoile Bleue a été remaniée au début du XXème siècle et comprend 4 niveaux.
La porte, bordée d'une mozaïque de carreaux rouge carmin pailleté d'or,
avec son judas , reprend le thème de l'étoile.

porte d'entrée

Les barreaux aux fenêtres évoquant la condition prisonnière des filles font eux aussi référence à l'étoile

 étoile bleue
Une fois entré dans ce "lieu de perdition", les clients pouvaient prendre des consommations au bar, dans le salon commun, ou pour les clients "montant" passer dans la "pièce du curé"

Le salon est doté de 2 fresques libertines signées Jacquemin. L'une représente une femme nue aux chiens, ce serait le portrait de la taulière de l'époque.
munie d'une glace sans tain leur permettant ainsi de faire leur choix parmi les filles sans être vus et ainsi monter discrètement à l'étage.

les lévriers
Elle est directement inspirée de "Coursing", une pointe sèche de 1929 en couleur du peintre toulousain Louis Incart (1888-1950)

L'autre fresque représente une dompteuse.


la dompteuse

Le plafond est décoré d'une étoile et d'arabesques de stuc.

plafond

Le sol a été entièrement refait en 1923 par le mozaïste Sante Vallar originaire d'Italie. Il représente des fleurs de lotus.

sol- mozaique de Sante Valla 1923

La pièce du curé est ornée de fresques plus osées, d'un style différent signé Ricky et Jacquemin selon la technique de colle de peau de lapin. Elles reprennent une illustration des contes de Canterbury.


canterbury 2
C'est dans cette pièce que ce trouve la glace sans tain citée précédemment

canterbury + glace sans tain
Elles ont été restaurées 2 fois en 1980 et en 2001

canterbury 3

L'escalier menait à une dizaine de chambres de petite dimension

escalier
Les chambres ne contenait que le strict minimum,un lit un sanitaire. On trouvait aussi à l'étage une pièce sans fenêtre appelée "prison" pour les pensionnaires récalcitrantes.

chambres

Fonctionnement


Le personnel d'une maison close se renouvelle fréquemment.

La tenancière: est souvent une ancienne prostituée reconvertie, elle veille à la bonne tenue de la maison et du personnel. Sa tenue est généralement sobre voire stricte
par contraste avec les tenues légères des pensionnaires. Elle leur vend à un prix exorbitant des accessoires tels que sous-vêtements, maquillage, cigarettes, dans la mesure où les filles ne peuvent pas sortir de l'établissement.

les tenancières
Le tenancier: est donc nécessairement le mari de la tenancière. Il s'occupe de la gestion des boissons, des différents travaux à effectuer.

La sous-maîtresse: souvent aussi une ancienne prostituée, elle est à la fois hôtesse, comptable et surveillante. Elle laisse entrer le client, lui propose boissons et filles, surveille le temps de la "passe", en perçoit le montant et inscrit sur un registre recettes et dépenses des pensionnaires.
Elle intervient en cas de bagarre, surveille les filles et les emmène 1 à 3 fois par semaine à la visite médicale.

Les prostituées:
âgées de plus de 21 ans, elles doivent être inscrites sur un registre spécial au commissariat central pour pouvoir exercer. Théoriquement aucune fille ne peut être retenue contre son gré. En cas de départ volontaire, la tenancière est tenue de l'accompagner au bureau de police. Les filles "tournent" entre les différentes maisons, ne restant que 4 mois en moyenne dans chaque établissement pour éviter l'attachement aux clients et favoriser la nouveauté.

200803151926 zoom
Les maladies: les pensionnaires pouvaient contracter des maladies vénériennes telles que les condylomes, chancres mous, blennorragie, herpès génital, gâle, morpions et pire encore la syphilis.
En cas d'hospitalisation les frais étaient à la charge de la tenancière mais souvent celle-ci préférait se séparer de sa pensionnaire.


suivi sanitaire
Fermeture des maisons closes


En décembre 1945, Marthe Richard, conseillère municipale de Paris, demande la suppression des "maisons de tolérance" et souhaite qu'on lutte contre le marché des femmes et leurs exploitations.
Elle obtient gain de cause le 13 Avril 1946 avec la loi Dominjeon.


de 1940 à marthe richard
L'étoile Bleue ferme donc et le 13 Octobre 1946 est attribuée comme local aux artistes du théatre municipal de Tours
Le 28 Mars 1948 l'étoile Bleue est qualifiée d'impropre à l'hébergement même provisoirement en raison du manque total d'air et de lumière. Les chambres seront cependant louées jusqu'aux années 60.

Un ex-légionnaire amant de la dernière tenancière et amoureux de l'étoile Bleue l'habite alors et l'entretient jusqu'à sa mort en 1978 puis l'étoile Bleue est squattée et dégradée, moisie...

L'étoile Bleue n'aurait pas survécue sans le comité de défense qui a été créé en 1980 par Philippe Anginot, Jean Bourgeois et J.P Veyssière.
L'étoile Bleue abrite actuellement la Jeune Chambre Economique qui a su prendre l'initiative de son sauvetage et de sa restauration.


porte et judas

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