Jusqu'au 23 Juin 2009 a eu lieu au Musée des Beaux Arts de Tours une exposition sur Mantegna. Chef d'oeuvre universellement admiré "la Crucifixion" a rejoint pour 3 mois les autres joyaux du Musée de Tours "la Prière au Jardin des Oliviers" et la "Résurrection", ainsi est reconstituée la Prédelle c'est à dire le bas du Rétable de l'abbaye de San Zeno de Vérone. Tours possède les 2 éléments de cette Prédelle depuis 1806, le troisième élément étant au Louvre. C'est la première fois depuis 1930 que le Louvre accorde le prêt de "la Crucifixion" pour permettre de rassembler la Prédelle dans sa totalité.




Le Triptyque de San Zeno

Il fut commandé en 1456 au jeune Mantegna âgé de 25 ans par l'un des intellectuels les plus remarquables de la Vénétie, l'abbé Gregorio Correr pour le maître-autel de l'abbaye bénédictine de San Zeno à Vérone. Le rétable composé de 6 panneaux (3 pour la partie supérieure et 3 pour la Prédelle) fut démantelée lors de la campagne d'Italie de Bonaparte en Mai 1797, ils furent exposés en 1798 dans le futur musée du Louvre.
En 1803; pour compenser les saisies faites au château de Richelieu, surtout celles des tableaux de Mantegna provenant du Studiolo d'Isabelle d'Este à Mantoue, Vivant Denon accorde au musée de Tours les 2 parties latérales de la Prédelle.


Andrea Mantegna

né en 1431 à Isola di Carturo près de Vicence, il entre en 1441 dans l'atelier de Fransesco Squarcione à Padoue. Il reçoit ses premières commandes après l'avoir quitté en 1447.
De 1448 à 1457 il peint les fresques de la chapelle Ovetari dans l'église des Eremitani de Padoue.
1456 à 1459 il réalise le triptyque de San Zeno
1460, il s'installe à Mantoue pour se mettre au service des Gonzagues, il y exécute la plupart de ses oeuvres comme "lachambre des époux", "le triomphe de César" ou "la Vierge de la Victoire".
1497 - 1502, il peint 2 toiles "le Parnasse" et "la Minerve" pour le Studiolo d'Isabelle d'Este qui rentreront dans la collection du Cardinal de Richelieu en 1632.
1506, Mantegna meurt à Mantoue.




L'exposition, apport scientifique

Les trois tableaux de la Prédelle ont été étudiés, radiograhiés, révélant par exemple le changement de support du "jardin des Oliviers". Toute la première salle de l'exposition a été réservée aux recherches qui ont été menées par le laboratoire du musée du Louvre et plus particulièrement à la réflectographie. Ce sont des images infrarouges qui permettent de révéler le dessin sous-jacent réalisé par Mantegna avant la peinture. On peut remarquer que les dessins initiaux ont été finalement peu retouchés avant la mise en peinture.




 Le détail chez Mantegna

Maîtrise et précision du dessin, bien sûr, mais le plus époustouflant chez Mantegna ce sont les détails de ses oeuvres. On peut par exemple voir précisément les dés des soldats



ou encore la précision de leurs costumes




mais aussi des visages expressifs jusqu'à la caricature






Le motif aussi est très important chez Mantegna, on peut admirer la précision des ruches et des abeilles essaimant, rehaussées d'or...



La nature est essentiellement un décor mais qui participe en tant que tel à l'histoire du tableau, animée jusque dans les moindres infractuosités par les signes du temps et de la vie. Comme les minuscules lapins bondissants




On perçoit le bruissement de l'eau et on ressent la fraîcheur de sa transparence...



Des tableaux dans les tableaux on entend les sons et les silences



Toutes ces scènes micrographiques baignées de lumière rappelle l'exactitude mimétique des peintres flamands.
Le détail ne saute pas aux yeux mais se voit si on le cherche, on doit donc y passer du temps et contempler c'est partager le sensible.

la Prédelle

Chaque tableau est à lui seul un chef d'oeuvre pictural, mais l'intérêt est bien la confrontation des 3 tableaux dans leur ensemble car là aussi Mantegna nous montre tout son génie.



Mantegna dans ses 3 tableaux nous raconte une histoire, celle de Jésus, un peu comme une B.D. Il nous promène dans le temps, les lieux et l'histoire.
En effet ses 3 oeuvres se déroulent à l'aube mais cette aube progresse et s'avance avec l'emploi de plus en plus marqué du lapis lazuli. Le temps défile alors devant nos yeux dans sa progression inéluctable.




De même notre regard se déplace dans le paysage car Jérusalem y est représentée sous différents angles. La géographie des lieux est respectée, la progression et le déplacement sont évidents.




L'histoire, elle même avance car chaque tableau comporte un élément qui annonce la suite : dans "le Jardin des Oliviers" on voit à gauche arriver Judas avec une troupe en arme.



Dans "la Crucifixion" la coix du Christ, pourtant en recul par rapport aux larrons, nous apparaît au premier plan. Le larron de droite, repenti, est en pleine lumière alors que le larron de gauche reste dans le sombre, comme son âme. Marie, éplorée, est soutenue et emmenée, alors que dans le lointain les personnages en arme repartent déjà vers le tombeau.

 

Dans "la Résurrection", alors que les hommes d'arme gardent le tombeau;on devine à droite Marie arrivant à son tour au tombeau.



L'histoire est en marche, tout est mouvement dans ces oeuvres. Toutes les difficultés picturales sont résolues.

Tous les grands ont défilé devant ces oeuvres, ils ont admiré, scruté, imité...Poussin, Cézanne, Ingres, Matisse, tous ont été influencés. Mantegna a inspiré aussi bien lesécrivains et les artistes. Il suffit de penser à Degas qui s'est essayé à la copie de "la Résurrection" et dont le tableau est aussi au Musée des Beaux Arts de Tours, ou bien encore à Marcel Proust qui ne cesse de citer Mantegna dans son livre "à la recherche du temps perdu" et en particulier le rétable de San Zeno.
Quant à Mantegna il reste un magicien depuis plus de 5 siècles.




 

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