Fin 2008 a eu lieu une exposition sur le thème de "la Volupté du goût ", très belle exposition qui a su me séduire et m'amener à réfléchir sur l'évolution de la pensée sous l'influence de Madame de Pompadour, en particulier dans le domaine de la peinture.

Le choix des tableaux évoqués est un choix personnel et sont ceux qui m'ont le plus touchée.



Pour saisir l'évolution de pensée faisons un rapide rappel Chronologique:


La peinture au XVIIème siècle était sous l'influence de l'Académie Royale seule habilitée à produire des oeuvres "officielles" et reconnues. Ces oeuvres commandées par le Roi ou les grands du royaume les représentaient en portrait, le plus souvent de grande taille. Le tableau était le reflet de leur position sociale, de leur rang, de
leur statut et donc forcément admiré par la Cour.
Ensuite venait les tableaux à caractère religieux, de grande taille eux aussi car commandés par de riches prélats, puis des portraits de famille, où chacun posait, le format était plus petit car commandés par des nobles moins fortunés et enfin venaient les natures mortes, de petits formats et bien moins onéreuses.
Toutes ces oeuvres étaient soumises à des critères stricts et devaient répondre à des canons classiques : personnage important au centre, de face,..... ne laissant aucune place à l'imagination et ne servant qu'à mettre en valeur la personne ou le sujet représenté.


Madame de Pompadour est née le 29 Décembre 1721 et s'est éteinte le 15 Avril 1764.


A la mort de Louis XIV, l'activité artistique se déplace de Versailles à Paris. Fastes et cérémonies disparaissent progressivement au profit des plaisirs de la vie privée car la riche bourgeoisie parisienne devient la principale source de mécénat pour les artistes.
A l'âge adulte Louis XV se prend au charme du nouveau style de vie, Madame de Pompadour parvient à conserver l'amour du Roi en créant des cadres enchanteurs, dans lesquels il peut se détendre et profiter des moments qu'il passe en son intelligente compagnie. C'est ainsi que naît le "style Pompadour " connu sous le nom de Rococo.


Dans les salons la pensée évolue c'est la naissance de la critique.


Mais comment définit-on le Goût au XVIIIème siècle?

" une facilité acquise par des expériences réitérées à saisir le vrai ou le bon, avec la circonstance qui le rend beau, et d'en être promptement et vive
ment touché."
                                                                                Diderot - Essai sur la peinture - 1765

"examinons donc notre âme, étudions-la dans ses actions et dans ses passions, cherchons-la dans ses plaisirs; c'est là qu'elle se manifeste davantage."
                                                                                Montesquieu

"un tableau exposé est un livre mis au jour d'impression, c'est une pièce représentée sur le théatre. Chacun a le droit d'en porter son jugement."
                                                                                La Font de Saint Yenne - 1747



C'est un moment déterminant, un tournant dans l'histoire de la pensée et de la peinture. Dans le Salon carré du Louvre le public est inv
ité à donner son avis, il peut se faire lui-même une opinion. La notion de temps apparaît, le tableau se regarde, on l'évalue, l'admire ou le critique. Le tableau déclenche des réactions en fonctions de critères strictement personnels.
On passe du temps devant une oeuvre, les constructions en diagonales attirent l'oeil dans les coins du tableau où l'on découvre de petites scènes qui sont des tableaux à elles seules.
L'oeil se promène, y prend goût..... volupté .




Le portrait ne représente plus le personnage mais la personne comme dans ce portrait de Madame de Pompadour par François Boucher. On ressent sa personnalité, elle est dans son intimité, ne prend pas la pose mais semble surprise dans une séance de travail. On l'imagine se donnant la note de la main gauche pour reprendre le chant qu'elle travaille. Elle nous dévoile aussi ses centres d'intérêt : la musique mais
aussi la lecture, la connaissance du monde, sa passion pour les roses.... on ne voit pas Madame de Pompadour, on la découvre, on la connaît.

Parmi les artistes illustrant ce courant nouveau de la peinture française, on trouve bien sûr Chardin, Coypel, Fragonard, Vanloo, mais aussi Bouchet, Greuze et Vernet.


François Bouchet ( 1703-1770 )

Prix de Rome en 1724, il obtient une première commande pour Versailles en 1735 et participe ensuite aux nombreux décors des maisons royales. Parallèlement à ces commandes, il travaille abondamment pour une clientèle privée. Il aborde tous les genres avec succès et son sens aigu de l'ornementation et du détail contribueront à définir le style "Rocaille "






"la Lumière du Monde " 1750 - Ce tableau est une commande de Madame de Pompadour pour sa chapelle privée du château de Bellevue. Si cette nativité  montre tout ce qu'on a l'habitude d'employer ordinairement pour ce sujet, il ne s'en dégage pas moins une grande sensibilité.
La construction en diagonale nous pousse à rechercher ce qui se cache dans la Gloire vague et légère du fond. On y découvre l'élégante naïveté de l'attitude des chérubins et la singulière variété de leurs caractères. Au pied de Marie, une scène bucolique avec poules et oeufs qui pourraient être une oeuvre picturale à elle-seule.
La luminosité du fond évoque une aurore qui doit annoncer le Sauveur du Monde. Cependant cette scène est très émouvante car elle nous semble familière en effet si les personnages sont recueillis et en admiration devant l'Enfant, l'artiste nous montre ..... un bébé qui dort....
Ce thème de la nativité évoque celui de la maternité et de l'enfant cher à Madame de Pompadour.


Jean Baptiste Greuze ( 1725-1805 )
Il a été tour à tour porté aux nues et vilipendé, et ce, de son vivant jusqu'à sa récente réhabilitation grâce aux travaux d'Edgar Munhall. Greuze est l'artiste du XVIIIème siècle le plus controversé.




" la Paresseuse Italienne" 1757 - Cette composition fut conçue lors d'un voyage à Rome pour faire pendant à une autre oeuvre " l'oiseleur ". C'est une peinture de genre hollandaise très en vogue en France et qui permet le mieux d'expliquer la curieuse association de ces 2 toiles.
Les messages codés étaient fréquents dans la peinture de genre hollandaise. "Oiseler" avait un double sens : il désignait aussi l'acte sexuel. Aussi présenter les 2 toiles l'une à côté de l'autre laissait planer un doute sur cette paresseuse. Est-elle une femme avachie dans une cuisine en désordre ou bien une femme qui s'est offerte comme le laisserait supposer son pied déchaussé qui signifiait que la femme n'était pas opposée à l'acte sexuel.
Greuze a accordé une importance aux chaussures de la paresseuse : leur rouge vif contraste fortement avec les bruns et gris sourds du reste du tableau.
Décoiffée, cette jeune femme s'expose à la désapprobation du spectateur qui ne peut cependant être insensible à la volupté de sa chair . Toujours moraliste Greuze met en évidence la vertu de son modèle en mettant en lumière l'alliance passée à son doigt charnu.
Ce tableau succite chez le spectateur tout un éventail de réactions : attirance sexuelle, dégoût, amusement entendu et enfin compassion pour cette femme. En procédant ainsi, il crée un modèle de "sensibilité", et donne naissance à un mouvement intellectuel affirmant que la voie menant à une vérité supérieure passe par la réaction émotionnelle de l'individu aux informations enregistrées par ses sens.


Claude Joseph Vernet ( 1714 - 1789 )
Après un apprentissage à Avignon, Vernet part à Rome en 1734. Ce voyage qui aurait dû être un voyage traditionnel de quelques années durera en fait 20 ans et lui permettra de faire une rencontre capitale pour son oeuvre : la Mer.




" la Nuit " 1760 - Cette toile fait partie d'une série de marines consacrée aux différents moments de la journée. Vernet voulait montrer le coté changeant et éphémère de la nature dans le temps.
Ici ce qui est important c'est le temps passé devant la toile. Si, comme moi, vous avez la chance de voir cette oeuvre, dés le premier regard vous ne verrez rien ..... que la nuit . Mais si vous prenez le temps après quelques minutes sans être distraite du tableau, votre regard s'habituera à cette nuit et vous découvrirez tout ce qui ce cache dans ce tableau qui deviendra alors, l'oeil s'accoutumant , clair comme en plein jour. On y découvre des naufragés, des barques, on devine même la couleur des chemises des personnages.
C'est découvrir l'oeuvre au vrai sens du terme, prendre son temps, laisser l'oeil se promener.... Volupté.


Voici résumés mes réflexions et les sentiments qu'ont fait émerger en moi ces oeuvres d'art. Pour conclure je vous propose une citation :

" La malheureuse Pompadour, qui fut haïe de son vivant, est aujourd'hui regrettée et pleurée. Je ne pense pas qu'il eut jamais aucune autre dame en France capable de remplir avec autant de dignité le rôle éminent qui fut le sien. Alors qu'aucune autre ne posséda jamais autant qu'elle les plus rares beautés du corps et de l'esprit, je suis stupéfait de constater qu'elle fut persécutée, détestée, calomniée par sa propre nation, par la nation considérée comme la plus galante du monde et la plus respectueuse du beau sexe."
                                                                        Giacomo Casanova - 1769







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