Moyen-âge, la médecine et la santé (1) : histoire
19 nov. 2014médecine et santé au Moyen-âge
Je vous propose une nouvelle série d'articles sur un sujet que j'affectionne, le Moyen-âge, et plus particulièrement sur la médecine, les remèdes, les potions et les plantes utilisées au Moyen-âge...
Les remèdes utilisés au Moyen-âge ont bénéficié des acquis de l'Antiquité, des découvertes et des recherches de l'époque médiévale. Les moines ont eu un rôle très important car ils copiaient, traduisaient, commentaient et illustraient les écrits de divers pays et ont ainsi échangé les savoirs.
Le paradoxe c'est que cette période est influencée par la religion et la magie au même titre que par la connaissance médicale, l'un ne va pas sans l'autre.
Avant de parler des remèdes, potions et plantes, je crois qu'un tour d'horizon rapide de la petite histoire de la médecine des origines jusqu'au Moyen-âge s'impose.
C'est ce que je me propose de traiter maintenant.
médecine = traitement = médication donc je ne parlerai que de la médecine et non de la chirurgie, peut-être dans un futur article ?
Au néolithique
La sédentarisation au néolithique, en -8500 avant J.C, a pour conséquence l'émergence de l'art de guérir. Les chasseurs-cueilleurs connaissaient les effets de certaines plantes : on a par exemple retrouvé des poteries contenant des herbes dans des tombes néolithiques en Europe comme en Asie. Les herbes les plus fréquemment retrouvées sont le chanvre, sûrement utilisé pour ses vertus apaisantes et le pavot scarifié, pour en extraire la résine riche en dérivés opiacés aux vertus analgésiques.
En Egypte
L'Egypte grâce à sa connaissance de l'écriture nous a laissé, contrairement au néolithique, des traces écrites de sa pharmacopée.
On a retrouvé des papyrus mentionnant 700 substances curatives aussi bien végétales, qu'animales ou encore minérales. Il s'agit par exemple du papyrus Ebers.
Ces substances servaient à préparer 1000 remèdes détaillés et accompagnés d'incantations aux dieux.
Chez les Grecs
Les Grecs s'inspireront beaucoup de la médecine égyptienne et en augmenteront les apports.
Au Vème siècle avant Jésus Christ, Hippocrate reprend leurs formes médicamenteuses : pilules, pastilles, suppositoires et infusions ...
En plus, il décrit dans ses "Aphorismes du Corpus Hippocratum" les éléments et les humeurs du corps humain.
Cette notion va perdurer jusqu'au XVIIIème siècle où on essairera de se maintenir en santé en équilibrant ses humeurs.
Chez les Romains
Là aussi les acquis anciens sont repris et augmentés.
Aulus Cornélius Celsus (25 avt JC-50 après JC) est romain et médecin, il est l'auteur de "Re medica" qui reprend les connaissances grecques en les commentant.
Pline l'Ancien qui, lui, n'est pas médecin, collecte toutes les notions médicales de son époque, au 1er siècle après JC, tous les remèdes connus jusqu'à lors dans son "Histoire Naturelle".
Ce livre sera copié et diffusé pendant tout le Moyen-âge et la Renaissance.
Claude Galien (131-200), médecin militaire grec suivant et soignant les légions romaines, en plus des connaissances acquises sur l'anatomie et le traitement des plaies qu'il considère comme des fenêtres sur le corps, fut considéré comme "le père de la pharmacie dite galénique".
En Orient
Après l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie où se trouvait les registres traitant des dissections humaines (autorisées par l'école d'Alexandrie), c'est Constantinople qui devient un centre médical important du IVème au VIIème siècle.
Oribase (323-403) écrit une véritable encyclopédie médicale en 70 volumes.
La médecine des moines
Les moines connaissent le latin et le grec, ils lisent donc, traduisent et copient les livres de médecine et leurs enseignements.
Les préceptes religieux de St Jacques et de St Matthieu tels que " guérissez les malades, ressucitez les morts, purifiez les lépreux ..." leur dictent leur conduite face aux pauvres et aux malades dont ils prennent soin.
Les plantes sont cultivées dans les couvents et les monastères, jardins de simples
Elles servent aux préparations qui s'accompagnent, là aussi, de prières et d'invocations aux saints.
La médecine arabe
A la fin du premier millénaire, les arabes, qui ont accumulé toutes les traditions antiques, les augmentent et les font progresser comme par exemple le Persan Rhazès (865-932) ou Avicenne (980-1037).
Tous ces travaux traduits par Gérard de Crémone vers 1200 resteront la base de l'enseignement médical jusqu'au XVIème siècle.
Les premières écoles de médecine
C'est vers la fin du Xème siècle qu'est fondée, en Italie, l'éole de Salerne qui regroupe toutes les connaissances arabes, juives, chrétiennes ... C'est un centre d'étude et de soins.
Puis en Espagne, au XIème siècle, est fondée l'école de Cordoue puis au début du XIIème siècle l'école de médecine de Tolède..
Enfin à partir du XIIème siècle les écoles se multiplient surtout en France, à Montpellier puis à Paris,Toulouse ...
Je vous conseille, si ce n'est pas déjà fait et que vous avez envie de vous distraire en vous plongeant dans cette époque de recherches des connaissances médicales, un roman de Noah Gordon : le Médecin d'Ispahan.
Beaucoup de détails sur la ville de Londres au xie siècle, ainsi que sur la façon de voyager à cette époque sont présents dans le livre. De Londres à Ispahan en passant par Constantinople, un parcours de découverte humaine et médicale s'ouvre à vous au fur et à mesure du roman, le tout dans un contexte historique très détaillé (Wikipedia)
La religion et la médecine
Dès la fin du XIIème siècle, les moines ont l'interdiction de soigner.
La maladie est considérée :
- soit comme une épreuve et donc nécessaire pour élever l'âme et se recentrer sur l'essentiel dans les prières à Dieu
- soit comme un mal produit par les démons et les esprits mauvais et donc qui peuvent être vaincus par les traitements et les prières.
D'où une certaine ambigüité qui ouvre la porte à la science, la religion mais aussi la magie et l'ésotérisme
Les médecines savantes et populaires
Au XIème siècle, l'apport d'ingrédients coûteux provenant de pays lointains comme l'Inde favorise une médecine de riche par opposition à une médecine de pauvre constituée, elle, d'éléments communs et peu ragoûtants comme la poudre de crâne de mort ou la bave ... on en trouve de nombreuses recettes dans le livre du Grand Albert.
Ces éléments sont considérés comme vils et sont donc méprisés par les riches.
Les marchands de potions et de remèdes
Comme on l'a vu, au début les moines cultivent leurs propres plantes médicinales.
Au XIIème siècle, apparaissent les premiers préparateurs et vendeurs de remèdes, ils appartiennent à la corporation des épiciers.
Au XIVème siècle commence l'emploi des ordonnances écrites par un médecin. Les apothicaires doivent faire les préparations à la lettre leur conférant ainsi une grande rigueur.
Les préparateurs deviennent une corporation importante nécessitant bientôt une formation.
Ce n'est qu'au XVIIIème siècle qu'ils deviendront pharmaciens.
Le Moyen-âge et la santé, les bases de la médecine
Les bases de la médecine reposent sur plusieurs principes :
Ce sont les Simples
Ce sont des plantes d'abord utilisées seules puis en combinaison avec d'autres ingrédients.
C'est une observation millénaire de leurs propriétés qui en ont permis l'utilisaion comme par exemple l'écorce de saule et la reine des prés utilisées pour ses capacltés à calmer la fièvre ... cela donnera plus tard l'Aspirine !
C'est la théorie des analogues
Pracelse, médecin du XVème siècle, pensait que la ressemblance d'une plante avec une partie du corps humain la rendait efficace contre un mal touchant cette partie du corps comme par exemple les capillaires pour les problèmes de cheveux, les pulmonaires contre les maladies des poumons ou la Physalis contre le mal de vessie ...
Il pensait aussi que les plantes de couleur jaune pouvaient traiter une maladie du foie et de la bile alors qu'une plante à dominante rouge était efficace contre les maladies du sang et des plaies.
Ce sont les 4 humeurs
Hippocrate a mis en évidence la présence et l'impotance des 4 humeurs dans le corps :
- la bile jaune
- la bile noire
- le sang
- la lymphe
le déséquilibre de ces humeurs entraîne de nombreuses maladies et le diagnostic se faisait par l'examen des yeux, du pouls, des urines ...
Les 4 humeurs correspondaient à 4 éléments :
- la bile jaune correspondait au feu, chaud et sec
- la bile noire à la terre, froide et sèche
- la lymphe à l'eau, humide et froide
- le sang à l'air, humide et chaud
Pour guérir, il fallait rétablir l'équilibre entre ces humeurs et en compenser les carences. Pour cela on utilisait des plantes et autres éléments. La composition et la posologie devaient être rigoureuses et précises. En réalité cela dépendait beaucoup du praticien ...
Dans le "Circa Instans", ou livre des simples, de Matthaeus Platerius au XIIIème siècle on trouve par exemple le Santal, froid et sec, utilisé contre l'ébullition du sang ou encore la Saxifrage granulée, chaude et sèche pour décongestionner l'estomac ou encore la chicorée en jus, froide et humide pour lutter contre l'échauffement du foie.
ce sont les planètes et les signes du zodiaque
Chaque élément était dominé par une ou plusieurs planètes. Il fallait alors cueillir les plantes à des dates et même des heures précises en fonction de leurs planètes.
Chaque plante correspondait donc à un élément et chaque élément correspondait à une planète. Par déduction une plante correspondant à un élément, cueillie à la bonne date devait guérir l'organe malade.
signes de feu : Bélier, Lion et Sagittaire
signes d'air : Gémaux, Balance et Verseau
signes d'eau : Scorpion, Cancer et Poisson
signes de terre : taureau, Vierge et Capricorne
Pour en revenir à notre exemple, la Saxifrage granulée sera cueillie en Lion, fin Juillet à mi-Août, pour rééquilibrer le congestionnement de l'estomac.
« Homme zodiacal ». Johannes De Ketham, Fasciculus medicine, Venise, Jean et Grégoire de Gregoriis frères, 1495 (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. B 56, fol. 8r).
ce sont les prières, rites et magie
On a vu que les remèdes étaient le plus souvent accompagnés d'incantations puis de prières au fil du temps.
Ce qui perdure dans l'activité des guérisseurs aujourd'hui pour obtenir les résultats attendus.
Ce n'est qu'au XVIème siècle que Paracelse, médecin en 1527, s'élèvera contre cette théorie des humeurs en voulant jeter au feu "les élucubrations livresque de Galien et d'Avicenne".
Pourtant il n'y parviendra pas complètement ...