médecine et santé au Moyen-âge

Je vous propose une nouvelle série d'articles sur un sujet que j'affectionne, le Moyen-âge, et plus particulièrement sur la médecine, les remèdes, les potions et les plantes utilisées au Moyen-âge...

 

Les remèdes utilisés au Moyen-âge ont bénéficié des acquis de l'Antiquité, des découvertes et des recherches de l'époque médiévale. Les moines ont eu un rôle très important car ils copiaient, traduisaient, commentaient et illustraient les écrits de divers pays et ont ainsi échangé les savoirs.

Le paradoxe c'est que cette période est influencée par la religion et la magie au même titre que par la connaissance médicale, l'un ne va pas sans l'autre.

 

Avant de parler des remèdes, potions et plantes, je crois qu'un tour d'horizon rapide de la petite histoire de la médecine des origines jusqu'au Moyen-âge s'impose.

C'est ce que je me propose de traiter maintenant.

 

médecine = traitement = médication donc je ne parlerai que de la médecine et non de la chirurgie, peut-être dans un futur article ?

 

 

Au néolithique

 

La sédentarisation au néolithique, en -8500 avant J.C, a pour conséquence l'émergence de l'art de guérir. Les chasseurs-cueilleurs connaissaient les effets de certaines plantes : on a par exemple retrouvé des poteries contenant des herbes dans des tombes néolithiques en Europe comme en Asie. Les herbes les plus fréquemment retrouvées sont le chanvre, sûrement utilisé pour ses vertus apaisantes et le pavot scarifié, pour  en extraire la résine riche en dérivés opiacés aux vertus analgésiques.

pavot

pavot

 

 

En Egypte

 

L'Egypte grâce à sa connaissance de l'écriture nous a laissé, contrairement au néolithique, des traces écrites de sa pharmacopée.

On a retrouvé des papyrus mentionnant 700 substances curatives aussi bien végétales, qu'animales ou encore minérales. Il s'agit par exemple du papyrus Ebers.

Ces substances servaient à préparer 1000 remèdes détaillés et accompagnés d'incantations aux dieux.

papyrus Ebers

papyrus Ebers

 

Chez les Grecs

 

Les Grecs s'inspireront beaucoup de la médecine égyptienne et en augmenteront les apports.

Au Vème siècle avant Jésus Christ, Hippocrate reprend leurs formes médicamenteuses : pilules, pastilles, suppositoires et infusions ...

En plus, il décrit dans ses "Aphorismes du Corpus Hippocratum" les éléments et les humeurs du corps humain.

Cette notion va perdurer jusqu'au XVIIIème siècle où on essairera de se maintenir en santé en équilibrant ses humeurs.

 

 

 

hippocrate et un extrait des "Aphorismes du Corpus Hippocratum"hippocrate et un extrait des "Aphorismes du Corpus Hippocratum"

hippocrate et un extrait des "Aphorismes du Corpus Hippocratum"

 

Chez les Romains

 

Là aussi les acquis anciens sont repris et augmentés.

Aulus Cornélius Celsus (25 avt JC-50 après JC) est romain et médecin, il est l'auteur de "Re medica" qui reprend les connaissances grecques en les commentant.

 

Pline l'Ancien qui, lui, n'est pas médecin, collecte toutes les notions médicales de son époque, au 1er siècle après JC, tous les remèdes connus jusqu'à lors dans son "Histoire Naturelle".

Ce livre sera copié et diffusé pendant tout le Moyen-âge et la Renaissance.

 

Claude Galien (131-200), médecin militaire grec suivant et soignant les légions romaines, en plus des connaissances acquises sur l'anatomie et le traitement des plaies qu'il considère comme des fenêtres sur le corps, fut considéré comme "le père de la pharmacie dite galénique".

Hippocrate enseignant Galien

Hippocrate enseignant Galien

 

En Orient

 

Après l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie où se trouvait les registres traitant des dissections humaines (autorisées par l'école d'Alexandrie), c'est Constantinople qui devient un centre médical important du IVème au VIIème siècle.

Oribase (323-403) écrit une véritable encyclopédie médicale en 70 volumes.

Oribase

Oribase

 

La médecine des moines

 

Les moines connaissent le latin et le grec, ils lisent donc, traduisent et copient les livres de médecine et leurs enseignements.

Les préceptes religieux de St Jacques et de St Matthieu tels que " guérissez les malades, ressucitez les morts, purifiez les lépreux ..." leur dictent leur conduite face aux pauvres et aux malades dont ils prennent soin.

Les plantes sont cultivées dans les couvents et les monastères, jardins de simples

Elles servent aux préparations qui s'accompagnent, là aussi, de prières et d'invocations aux saints.

Vincent de Beauvais, moine copiste, savant et écrivain (1190-1262)

Vincent de Beauvais, moine copiste, savant et écrivain (1190-1262)

 

La médecine arabe

 

A la fin du premier millénaire, les arabes, qui ont accumulé toutes les traditions antiques, les augmentent et les font progresser comme par exemple le Persan Rhazès (865-932) ou Avicenne (980-1037).

Tous ces travaux traduits par Gérard de Crémone vers 1200 resteront la base de l'enseignement médical jusqu'au XVIème siècle.

extrait du Materia Médica Dioscurides

extrait du Materia Médica Dioscurides

 

Les premières écoles de médecine

 

C'est vers la fin du Xème siècle qu'est fondée, en Italie, l'éole de Salerne qui regroupe toutes les connaissances arabes, juives, chrétiennes ... C'est un centre d'étude et de soins.

Puis en Espagne, au XIème siècle, est fondée l'école de Cordoue puis au début du XIIème siècle l'école de médecine de Tolède..

Enfin à partir du XIIème siècle les écoles se multiplient surtout en France, à Montpellier puis à Paris,Toulouse ...

 

Je vous conseille, si ce n'est pas déjà fait et que vous avez envie de vous distraire en vous plongeant dans cette époque de recherches des connaissances médicales, un roman de Noah Gordon : le Médecin d'Ispahan.

 

 

 

Beaucoup de détails sur la ville de Londres au xie siècle, ainsi que sur la façon de voyager à cette époque sont présents dans le livre. De Londres à Ispahan en passant par Constantinople, un parcours de découverte humaine et médicale s'ouvre à vous au fur et à mesure du roman, le tout dans un contexte historique très détaillé (Wikipedia)

Beaucoup de détails sur la ville de Londres au xie siècle, ainsi que sur la façon de voyager à cette époque sont présents dans le livre. De Londres à Ispahan en passant par Constantinople, un parcours de découverte humaine et médicale s'ouvre à vous au fur et à mesure du roman, le tout dans un contexte historique très détaillé (Wikipedia)

 

La religion et la médecine

 

Dès la fin du XIIème siècle, les moines ont l'interdiction de soigner.

La maladie est considérée :

- soit comme une épreuve et donc nécessaire pour élever l'âme et se recentrer sur l'essentiel dans les prières à Dieu

- soit comme un mal produit par les démons et les esprits mauvais et donc qui peuvent être vaincus par les traitements et les prières.

D'où une certaine ambigüité qui ouvre la porte à la science, la religion mais aussi la magie et l'ésotérisme

le rétable d'Issenheim - Colmar

le rétable d'Issenheim - Colmar

 

Les médecines savantes et populaires

 

Au XIème siècle, l'apport d'ingrédients coûteux provenant de pays lointains comme l'Inde favorise une médecine de riche par opposition à une médecine de pauvre constituée, elle, d'éléments communs et peu ragoûtants comme la poudre de crâne de mort ou  la bave ... on en trouve de nombreuses recettes dans le livre du Grand Albert.

Ces éléments sont considérés comme vils et sont donc méprisés par les riches.

 

 

Les marchands de potions et de remèdes

 

Comme on l'a vu, au début les moines cultivent leurs propres plantes médicinales.

Au XIIème siècle, apparaissent les premiers préparateurs et vendeurs de remèdes, ils appartiennent à la corporation des épiciers.

Au XIVème siècle commence l'emploi des ordonnances écrites par un médecin. Les apothicaires doivent faire les préparations à la lettre leur conférant ainsi une grande rigueur.

Les préparateurs deviennent une corporation importante nécessitant bientôt une formation.

Ce n'est qu'au XVIIIème siècle qu'ils deviendront pharmaciens.

apothicaire

apothicaire

 

Le Moyen-âge et la santé, les bases de la médecine

 

Les bases de la médecine reposent sur plusieurs principes :

 

Ce sont les Simples

Ce sont des plantes d'abord utilisées seules puis en combinaison avec d'autres ingrédients.

C'est une observation millénaire de leurs propriétés qui en ont permis l'utilisaion comme par exemple l'écorce de saule et la reine des prés utilisées pour ses capacltés à calmer la fièvre ... cela donnera plus tard l'Aspirine !

 

C'est la théorie des analogues

Pracelse, médecin du XVème siècle, pensait que la ressemblance d'une plante avec une partie du corps humain la rendait efficace contre un mal touchant cette partie du corps comme par exemple les capillaires pour les problèmes de cheveux, les pulmonaires contre les maladies des poumons ou la Physalis contre le mal de vessie ...

Il pensait aussi que les plantes de couleur jaune pouvaient traiter une maladie du foie et de la bile alors qu'une plante à dominante rouge était efficace contre les maladies du sang et des plaies.

 

Ce sont les 4 humeurs

Hippocrate a mis en évidence la présence et l'impotance des 4 humeurs dans le corps :

 - la bile jaune

 - la bile noire

 - le sang 

 - la lymphe

le déséquilibre de ces humeurs entraîne de nombreuses maladies et le diagnostic se faisait par l'examen des yeux, du pouls, des urines ...

Les 4 humeurs correspondaient à 4 éléments :

 - la bile jaune correspondait au feu, chaud et sec

 - la bile noire à la terre, froide et sèche

 - la lymphe à l'eau, humide et froide

 - le sang à l'air, humide et chaud

 

Pour guérir, il fallait rétablir l'équilibre entre ces humeurs et en compenser les carences. Pour cela on utilisait des plantes et autres éléments. La composition et la posologie devaient être rigoureuses et précises. En réalité cela dépendait beaucoup du praticien ...

Dans le "Circa Instans", ou livre des simples, de Matthaeus Platerius au XIIIème siècle on trouve par exemple le Santal, froid et sec, utilisé contre l'ébullition du sang ou encore la Saxifrage granulée, chaude et sèche pour décongestionner l'estomac ou encore la chicorée en jus, froide et humide pour lutter contre l'échauffement du foie.

 

 

 

 

le Roman de la Rose (source BN)

le Roman de la Rose (source BN)

ce sont les planètes et les signes du zodiaque

 

Chaque élément était dominé par une ou plusieurs planètes. Il fallait alors cueillir les plantes à des dates et même des heures précises en fonction de leurs planètes.

 

Chaque plante correspondait donc à un élément et chaque élément correspondait à une planète. Par déduction une plante correspondant à un élément, cueillie à la bonne date devait guérir l'organe malade.

 

signes de feu : Bélier, Lion et Sagittaire

signes d'air : Gémaux, Balance et Verseau

signes d'eau : Scorpion, Cancer et Poisson

signes de terre : taureau, Vierge et Capricorne

 

Pour en revenir à notre exemple, la Saxifrage granulée sera cueillie en Lion, fin Juillet à mi-Août, pour rééquilibrer le congestionnement de l'estomac.

« Homme zodiacal ». Johannes De Ketham, Fasciculus medicine, Venise, Jean et Grégoire de Gregoriis frères, 1495 (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. B 56, fol. 8r).
« Homme zodiacal ». Johannes De Ketham, Fasciculus medicine, Venise, Jean et Grégoire de Gregoriis frères, 1495 (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. B 56, fol. 8r).

« Homme zodiacal ». Johannes De Ketham, Fasciculus medicine, Venise, Jean et Grégoire de Gregoriis frères, 1495 (Bibliothèque générale de philosophie et lettres, incunable XV. B 56, fol. 8r).

ce sont les prières, rites et magie

On a vu que les remèdes étaient le plus souvent accompagnés d'incantations puis de prières au fil du temps.

Ce qui perdure dans l'activité des guérisseurs aujourd'hui pour obtenir les résultats attendus.

 

Ce n'est qu'au XVIème siècle que Paracelse, médecin en 1527, s'élèvera contre cette théorie des humeurs en voulant jeter au feu "les élucubrations livresque de Galien et d'Avicenne".

Pourtant il n'y parviendra pas complètement ...

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